La Champagne va devoir s’adapter à des vendanges de plus en plus précoces. Quel sera l’impact du réchauffement climatique sur les futures cuvées du Champagne ?
Le climat champenois a de plus en plus tendance à se « méditerranéaniser ». Au cours des dix dernières années, les vendanges ont démarré une fois sur deux en Août. Les vendanges 2020, elles, sont les plus précoces de l’histoire du vignoble champenois. La végétation travaille de plus en plus vite, passant de 100 jours à 80 jours entre la pleine fleur et la vendange. Dans ce contexte, les raisins peuvent-ils conserver les mêmes caractères gustatifs ?
Les vendanges 2020 sont historiquement les plus précoces à avoir jamais eu lieu en Champagne mais, sur la décennie qui vient de s’écouler, ce sont déjà les cinquièmes à commencer en Août. En 2011, les premiers coups de sécateurs avaient été donnés le 19 août. En 2019, c’était le 17, dans l’Aube, déjà. Cette année, les premiers coupeurs entraient en activité dès le 13, à Buxeuil et les 16 et 17 Août sur le finage de Neuville sur Seine.
La coutume champenoise, qui voulait qu’on compte 100 jours à partir de la date de la pleine fleur pour connaître celle de la vendange, a perdu de sa vérité. Désormais, il faut ôter au moins deux semaines à ce décompte et on est plus proche des 80 jours que des 100.
LA VIGNE EN PREMIÈRE LIGNE
C’est que la vigne est en première ligne sur ce front-là. Logiquement, elle ne craint pas trop la chaleur : c’est une liane méditerranéenne. Selon le spécialiste américain Patrick McGovern, les premières traces de production vinicole remontent à 5500 avant notre ère, sur le site iranien d’Hajji Firuz, dans les monts Zagros. Des jarres plus anciennes, découvertes à Tbilissi, en Géorgie, pourraient faire encore reculer cette date d’au moins 2000 ans. En quelques millénaires, la vigne domestique a gagné toutes les zones méditerranéennes, du Proche-Orient à la Grèce, puis à Rome, avant de remonter vers le nord de l’Europe.
STRESS HYDRIQUE
Depuis le début du XXIe siècle, on observe une nouvelle évolution. Jusqu’alors, on constatait surtout les dégâts dans les vignobles du sud : vignes brûlées par le soleil, assommées par des stress hydriques à répétition (dont des recherches récentes assurent qu’elles ont des conséquences encore plusieurs années après) et donnant des raisins de plus en plus alcoolisés. Jusqu’alors, on avait pris coutume de souligner que le réchauffement du climat donnait des vins plus mûrs, avec plus de fruit.
Au grand jeu du changement climatique, la Champagne s’en sortait bien. Aujourd’hui, les vignobles anglais, qu’on avait pris coutume de regarder de haut en France, commencent à donner avec régularité des vins de bonne qualité.
Avec la montée des températures, la zone de culture de la vigne continue à remonter vers le nord et les vignobles septentrionaux commencent à s’inquiéter. Comme le soulignait Bruno Duron, technicien du Comité Champagne, ce lundi devant le préfet de l’Aube, le climat champenois a de plus en plus « tendance à se méditerranéaniser » , avec deux saisons bien marquées au lieu de quatre.
En Bourgogne, on regarde changer la typicité de certains grands blancs et, en Champagne, on s’inquiète d’une baisse de l’acidité de jus destinés à passer parfois plusieurs années dans les caves avant d’être commercialisés. Dans les argilo-calcaires de la Côte des Bar, où la réserve hydrique n’a rien de comparable aux zones de craie, on s’inquiète de plus en plus des coups de chaud estivaux.
ÉCHAUDAGE DANS LES VIGNES
L’année dernière, un violent épisode de canicule a grillé jusqu’à 30 % du potentiel de récolte pour les raisins noirs. Dans certains vignobles du Sud de la France, l’épisode a été tellement violent que des parcelles de vignes situées sur des zones à très faible réserve hydrique ont tout simplement été totalement nettoyées.
Cette année, les vignes de la Côte des Bar ont une nouvelle fois souffert d’un épisode caniculaire, survenu après un printemps particulièrement sec : 40 jours consécutifs sans une goutte d’eau.
Selon Michel Parisot, chef de cave de l’Union auboise, des secteurs comme celui des Riceys ont été particulièrement touchés par l’échaudage : les grappes sont plus petites (autour de 100 grammes) et le rendement agronomique se situe « entre 8 000 et 10 000 kilos » . Cette année, ça correspond au niveau de l’appellation. Et l’année prochaine ?
Source : Yann Tourbe – l’Est Eclair – 26-08-2020